Qui sommes-nous ?

PRESENTATION

L’association du Chemin du philosophe comporte trois types d’activités :

1)  L’entretien et l’animation du Chemin du philosophe en forêt de Montmorency.

2)  L’organisation de cafés philos, de conférences, d’ateliers de lecture, de sorties à thèmes en forêt.

3)  La maintenance de ce blog qui tient à jour le programme des activités et qui les archive depuis 2008.

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Station "L'homme et le cosmos"

Station "L'homme et le cosmos"
Cadran solaire analemmatique - juin 2014

Programme

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lundi 28 novembre 2011

Compte rendu du café philo du 25 novembre 2011




Thème : La culture permet-elle d’échapper à la barbarie ?

Trente-six personnes ont participé à ce café philo du 25 novembre 2011 au restaurant Biouti de Montlignon (95). Martine, Georges (lien vers les textes de Georges et de Martine), Catherine et Pierre avaient préparé le sujet qui a donné lieu à un débat très animé. En voici quelques éléments.

Si l’homme était un animal ordinaire, le poids de son cerveau par rapport au poids de son corps serait de l’ordre de 600 grammes au lieu de 1300 grammes. C’est avec ce supplément de 700 grammes qu’il a fabriqué sa culture et sa barbarie, qui semblent constituer les deux faces de sa nature profonde. 

La culture
En philosophie, le mot culture désigne ce qui est différent de la nature, c'est-à-dire ce qui est de l'ordre de l'acquis et non de l'inné. Claude Lévi-Strauss considère que la culture est naturelle à l'homme. Tous les hommes en ont une. L’état de nature (état pré-culturel) ne serait que pure fiction. La culture a longtemps été considérée comme un trait caractéristique de l'humanité, qui la distinguait des animaux. Mais des travaux récents en éthologie et en primatologie ont montré l'existence de cultures animales.
En sociologie : la culture est définie comme "ce qui est commun à un groupe d'individus et comme ce qui l’identifie et le soude. Elle évolue dans le temps par des échanges. Elle se constitue en manières distinctes d'être, de penser, d'agir et de communiquer.

Il existerait 150 définitions différentes du mot culture :
Culture générale
Culture d’entreprise,
Culture d’ingénieur,
Religieuse, le sacré,  artistique, littéraire, scientifique,
Biens culturels,
Ministère de la culture
Us et coutumes, comportements, savoirs, éthique, paradigmes,
Valeurs, normes, artefacts,
Institutions politiques, sociales, économiques
Culture individuelle ou  collective
Cuisine, habitat, vêtements, monuments
Rites sociaux et religieux
Langage, etc.

Les modes de transmission des cultures : oralité, architecture, œuvres d’art, écriture, médias, Internet.

Les modes de transformation des cultures : rencontre des cultures, migrations, guerres, mariages, traductions, erreurs de traduction.
Tout comme il y a une évolution biologique, certains éthologues, ainsi que plusieurs généticiens, estiment qu’il y a une évolution culturelle, et que cette évolution se fait par mutation, puis est transmise par des "gènes" de la culture, appelés mèmes, (Richard Dawkin) qui subissent une pression sociale et environnementale, aboutissant à leur disparition ou au contraire à leur expansion en fonction de leur plasticité.

La culture contemporaine
Historiquement, ce fut la création des comités d'entreprise qui permit aux employés de bénéficier d’activités culturelles proches de leur lieu de travail (prêt de livres, de disques…).
Plus récemment, les activités de mécénat se sont multipliées, afin de renforcer l’image des entreprises : par exemple le sport (voile, tennis, football, cyclisme…), pour donner une image d’esprit d'équipe. Le mécénat tend à s’ouvrir aujourd’hui à des activités plus artistiques. Ainsi une entreprise du secteur pétrolier peut trouver des intérêts à participer à des expositions en relation avec la culture arabo-musulmane par exemple.
Les autres institutions : Le ministère de la culture, l’UNESCO, l’université, les associations, les industries culturelles, éditions, cinéma, télévision, musique, théâtres, Internet.

La barbarie
Le terme « barbare » est appliqué par les Grecs à tout peuple qui ne parle pas leur langue. Il a été ensuite utilisé par les Romains pour nommer tous les peuples qui se trouvent à l'extérieur du limes, dans le Barbaricum, la « terre des Barbares ». Il faudra attendre les invasions de l'empire romain pour que le terme devienne péjoratif à l'image des Vandales. Aujourd'hui, ces termes peuvent traduire à la fois le mépris pour l’autre, l’étranger, ainsi que la crainte qu’il inspire.
Michel de Montaigne, qui vécut l’époque « barbare » des guerres de religion de la fin du XVIe siècle, écrit dans ses Essais : « Chacun appelle barbarie ce qui n’est pas de son usage. ».
Au fil de l’histoire, le terme a revêtu différentes acceptions. Ce terme englobe donc tout ce qui a pu causer du tort à l’Occident en général, en particulier à l’Occident chrétien : les Huns, les Germains et les Sarrasins (Maures).

La barbarie collective
Dans la plupart des conflits les adversaires se positionnent en défenseurs de la civilisation en dénonçant la barbarie de l’adversaire. 
La découverte des camps nazis, soviétiques, chinois, japonais, l’utilisation de la bombe atomique, les génocides, les expériences médicales sur des humains a signifié la fin des concepts hégeliens stipulant que l’idéalisme puisse gouverner l’Histoire des idées. L’historiographie remet en cause la simplification selon laquelle l’Histoire évoluerait soit dans un sens positif et éclairé, soit dans un sens négatif, sombre, en attribuant la cause à des barbares désignés comme autant de boucs émissaires. L’énormité des barbaries du 20ème siècle a contribué à ébranler la foi des croyants en un Dieu juste. Bien des questions restent sans réponses sur ces cultures qui n’ont pas pu empêcher la barbarie.
Comment l’Evangile du Christ ou le Coran peuvent-ils être détournés pour justifier la barbarie ? Comment les penseurs du libéralisme, imprégnés des valeurs humanistes des Lumières, ont-ils pu justifier l’expansion coloniale européenne ?
Comment le peuple qui a généré Mozart, Schubert, Kant ou Goethe a-t-il pu suivre les nazis ?
Etc, etc....

Pourquoi brûle-t-on des bibliothèques ? Les récents épisodes de révolte en banlieues ont confirmé que les bibliothèques étaient une cible privilégiée lors des émeutes. Les rapports de que certains jeunes entretiennent avec la culture de l’écrit sont troublants. Ils évoquent les plus sombres pages de l’histoire, mais symbolisent sans doute plus simplement l’échec scolaire et la fracture sociale.

La barbarie rampante
La mondialisation et l’uniformisation constituent  une barbarie insidieuse.
Le modèle anglo-saxon, appuyé sur l’anglais comme langue véhiculaire, tend à imposer certains modes de fonctionnement dans les institutions mondiales, notamment commerciales, financières ou militaires qui sont une forme d’impérialisme culturel et linguistique. Le développement de la culture de masse depuis les années 1930, dans le sillage de l’américanisation, a favorisé des modes de consommation et de production qui ne sont plus aujourd’hui compatibles avec les contraintes sociétales et environnementales contemporaines.
En effet, après l'impasse du fascisme qui a fait disparaître l'individu dans les foules fanatisées et après celle du communisme qui a interdit à l'individu de parler tout en le collectivisant, est venue celle de l'ultra et du néolibéralisme qui réduit l'individu à son fonctionnement pulsionnel en le gavant d'objets.
Face à la  domination mondialisée, certains pays et groupes sociaux réagissent en prônant la diversité culturelle  qui paradoxalement sert parfois de paravent à un repli identitaire notamment religieux.
En France, l’expression exception culturelle tend à prendre un sens péjoratif, dans la mesure où les solutions adoptées pour défendre la diversité culturelle passent par des formes d’action concentrées autour de l’État (contrôle par des aides publiques et subventions aux différentes formes de médias et aux affidés…), qui ne vont pas nécessairement dans le sens de la qualité de la création culturelle.

Privatisation de la guerre ou du contrôle des migrations, la haute technologie militaire (drones), le contrôle mondial d’internet préfigurent des dérives préoccupantes pour la civilisation. 
Les nouvelles technologies de l’information portent en elles de graves dérives pouvant conduire à de nouvelles formes de barbarie : surveillance des personne tout au long de leur vie, atteinte à l’intimité.

Les excès législatifs peuvent être source de barbarie. « Corruptissima re publica plurimae leges ». « Jamais les lois ne furent plus multipliées que lorsque l'État fut le plus corrompu. » Tacite, Annales, 3, 27.

 
Les barbaries individuelles
Les comportements barbares individuels peuvent relever de la pathologie ou de l’histoire de la personne. Ils sont cependant souvent légitimés plus ou moins explicitement par une autorité politique et morale ou encore par une culture ambiante. Il s’agit, par exemple, des actes racistes, des violences familiales, de l’obéissance aux délires d’un leader charismatique, de la vendetta ancestrale, de l’exaltation religieuse ou patriotique. Les violences extrêmes qu’on observe pendant les guerres s’expliqueraient par la culture de guerre, la brutalisation des sociétés, le consentement des soldats, la contrainte.


La canalisation de la barbarie
Un certain nombre d’institutions canalisent et limitent la barbarie : religions, droit, justice, police, armée. Bien que parfois elles sont elles-mêmes les instruments de la barbarie. Les utopies idéologiques (politiques, religieuses, dogmes économiques,) connaissent des phases de barbarie. L’élévation du niveau culturel des sociétés semble toutefois corrélée avec la baisse de la criminalité individuelle.
« En vingt ans, le nombre d'homicides volontaires a sensiblement baissé. À la cour d'assises de Paris par exemple, 105 personnes ont été jugées pour ces faits ces cinq dernières années, contre 279 il y a vingt ans. À Lyon (Rhône), la baisse enregistrée est de 60 %. ». La Croix 2/2/10.

    « C'est une tendance de long terme, qui va de pair avec la délégitimation de la violence : historiquement, notre société stigmatise de plus en plus les actes violents, devenus donc moins socialement acceptables et davantage sanctionnés juridiquement.
    Les violences sont de moins en moins un moyen de régler les conflits de la vie civile ordinaire. » Laurent Mucchielli, Rue 89, 4/2/10

  
Les droits de l’Homme
Les droits de l'homme sont un concept selon lequel tout être humain possède des droits universels, inaliénables, quel que soit le droit positif en vigueur ou les autres facteurs locaux tels que l'ethnie, la nationalité ou la religion. La Déclaration universelle des droits de l'homme a été promulguée en 1948 à l'ONU à l'initiative de René Cassin.

Interview dans Le Monde du 5 novembre 2011, de Jean-Paul Costa qui vient de quitter la présidence de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) de Strasbourg.
Quel est, selon vous, l'état des libertés en France ? La France a fait beaucoup de progrès. Le pays a toujours tendance à se voir comme la patrie des droits de l'homme, alors que ce n'est que la patrie de la Déclaration des droits de l'homme, mais, comme dirait Robert Badinter, c'est déjà très bien. Ce n'est pas parce qu'on a été pionnier qu'on est toujours en avance. L'état des libertés, cependant, est meilleur qu'il ne l'était il y a une quinzaine d'années, sauf dans quelques domaines, la condition des détenus et la réglementation sur les étrangers. Les prisons restent un point noir. Quant aux étrangers, les problèmes ne sont malheureusement pas propres à la France. L'état global des libertés n'est pas mauvais. Notamment grâce à l'influence de la Cour européenne.

Edgar Morin :
Aujourd’hui, je me rends compte que nous sommes sous la menace de deux barbaries associées. Humaine tout d’abord, qui vient du fond de l’histoire et qui n’a jamais été liquidée : le camp américain de Guantánamo ou l’expulsion d’enfants et de parents que l’on sépare, ça se passe aujourd’hui ! Cette barbarie-là est fondée sur le mépris humain. Et puis la seconde, froide et glacée, fondée sur le calcul et le profit. Ces deux barbaries sont alliées et nous sommes contraints de résister sur ces deux fronts. Alors, je continue avec les mêmes aspirations et révoltes que celles de mon adolescence, avec cette conscience d’avoir perdu des illusions qui pouvaient m’animer quand, en 1931, j’avais dix ans.

La combinaison de ces deux barbaries nous mettrait en danger mortel
Oui, car ces guerres peuvent à tout instant se développer dans le fanatisme. Le pouvoir de destruction des armes nucléaires est immense et celui de la dégradation de la biosphère pour toute l’humanité est vertigineux. Nous allons, par cette combinaison, vers des cataclysmes. Toutefois, le probable, le pire, n’est jamais certain à mes yeux, car il suffit parfois de quelques événements pour que l’évidence se retourne.




Paroles entendues :
-          Dans la sphère privée, on peut choisir sa culture, ce qui n’est pas le cas en entreprise.
-          La barbarie provient soit du besoin de puissance soit de celui d’espace vital.
-          La taille de l’Empire romain, réservoir d’esclaves et de femmes, a été limitée par les distances d’acheminement supportables par ceux-ci vers Rome.
-          La barbarie est la lèpre de la civilisation.
-          La culture n’est pas l’antidote à la barbarie.
-          « Je suis responsable du visage de l’autre ». Lévinas.
-          La barbarie c’est déshumaniser l’autre.
-          La violence et la barbarie, ce n’est pas la même chose.
-          La barbarie est à la fois contrôlée et incontrôlée.
-          Elle est individuelle et collective.
-          Elle est rationnelle et irrationnelle.
-          Elle change de visage au cours de l’histoire.
-          Elle stigmatise des groupes entiers à partir du comportement de quelques individus.
-          Bien des personnes n’ont pas les moyens intellectuels d’analyser les situations ou les manipulations dont elles sont l’objet.
-          Notre système économique, qui crée le chômage, est barbare. Nous sommes tous complices. Le marché qui prend son autonomie n’a aucune éthique.
-          La culture sécrète la barbarie. On y bascule facilement. On ne peut pas y échapper.
-          La culture c’est ce qui nous rassemble. C’est un partage d’émotions.
-          Mais l’émotion est manipulable.
-          L’élitisme culturel exclue de la culture la majorité des citoyens.
-          Bien des barbaries ont été commises avec la caution des élites (expériences médicales sur des humains, théorisation du racisme, célébration des tyrans).
-          Le regard sur les autres cultures devrait nous interroger sur la nôtre.
-          Il faut se garder des amalgames : la barbarie des systèmes économiques n’est pas même nature que celle des systèmes politiques du 20ème siècle.
-          Les mégapoles et l’abandon des traditions secrètent de nouvelles formes de barbarie, notamment dans le tiers monde.
-          Antidote à la barbarie : se parler au-delà de l’institution.
-          La finance ultralibérale, c’est la barbarie.
-          Le productivisme est responsable des suicides dans les milieux professionnels, y compris chez les médecins.
-          La culture et la barbarie évoluent sans cesse.
-          Au-delà de la culture, il y a la conscience.
-          Il faut sans cesse chercher l’intelligence.
-          Il faut sortir de nos clichés.
-          La culture, ça s’organise.
-          Il faut mieux catégoriser les formes de barbarie.
-          Les jeux vidéo incitent à la barbarie.
-          La disparition des journaux est préoccupante.
-          La culture n’est pas de l’ordre de la morale. Or la barbarie en relève.
-          Certains problèmes méritent d’être oubliés pour éviter des explosions de barbarie (vendetta, par exemple).
-          Cultures et barbarie interfèrent avec l’ensemble des forces sociales.
-          Chacun a une part de barbarie en lui.
-          La science peut servir à sortir de la barbarie (réfutation des théories racistes, par exemple).
-          Certaines cultures familiales sont édifiées sur fond de violence. Celle-ci peut ressortir.
-          La réaction à la barbarie fait évoluer la culture (2nde guerre mondiale, Hiroshima, guerre de religions, esclavage).
-          L’homme est la terre, la culture en est la semence, la barbarie est la mauvaise herbe. Il faut trouver l’équilibre par la bienveillance.
-          Il faut s’adapter là où on est.
-          L’évolution et la mutualisation des cultures participent au processus d’humanisation.
-          Chacun a le droit d’échapper aux cultures et aux barbarie ambiantes en fonction de sa conscience.
-          La morale, l’empathie, la spiritualité permettent de résister à la barbarie plutôt que l’intelligence. 

 Paris, les Indignés de La Défense le 27.11. 2011
A   

Voir aussi "Spartacus" par le Théâtre La Licorne  

dimanche 27 novembre 2011

Salon Histoire et Patrimoine de la Vallée de Montmorency



Notre association a été invitée par Valmorency à présenter un stand dans ce salon qui s'est déroulé du 24 au 26 novembre 2011 à Groslay (95). Nous remercions les organisateurs et les communes de l'agglomération CAVAM, qui ont mis sur pied cette manifestation témoignant de l'intérêt pour le patrimoine ainsi que du dynamisme du milieu associatif du Val d'Oise.  Notre stand a largement mobilisé notre association et attiré de nombreux visiteurs curieux : des enfants des écoles, des familles, des élus. Plusieurs visiteurs  connaissaient déjà le Chemin du philosophe en forêt. Nous devrons désormais faire face à de plus en plus de sollicitations, car notre démarche tant en forêt que dans nos cafés philo suscite de plus en plus d'intérêt.

LA CULTURE PERMET-ELLE D'ECHAPPER A LA BARBARIE ?


LA CULTURE PERMET-ELLE D'ECHAPPER A LA BARBARIE ?
Contribution de Georges Sananès au café philo du 25 novembre 2011

La formulation du sujet de ce débat laisse supposer un antagonisme foncier entre culture et barbarie : la culture serait alors l'antidote à la barbarie. C'est à dire qu'en partant de ce postulat, on ne pourrait pas construire un titre tel : "Culture barbare" sans aussitôt construire par là un parfait oxymore dans le rapprochement de ces deux termes que tout semble séparer.
Allons cependant plus avant.
On va prendre comme fil conducteur le regard que porte la culture sur la barbarie, et parallèlement suivre les acceptions successives qu'a prises le mot barbare dans le cours de son élargissement sémantique, et découvrons où et jusqu'où il nous conduit.
D'un simple critère linguistique, le mot a pris rapidement une connotation péjorative, particulièrement par les Romains pour nommer tous les peuples qui se trouvent à l'extérieur du limes, dans le Barbaricum, la "terre des Barbares.
Il n'est que de se souvenir des cartes géographiques produites en Europe jusqu’au XVIe siècle désignaient le Maghreb sous le vocable de Barbarie. Le nom du peuple berbère a la même origine, et même l'espèce de canard originaire des Amériques fut dite canard de Barbarie !
Le barbare n'est donc plus celui dont on ne comprenait pas le langage, c'est maintenant celui qui ne partage pas nos valeurs instituées.
Une réciprocité se dessine en arrière plan de ce constat.
Lévi-Strauss signale à ce propos : "Le barbare, c'est d'abord l'homme qui croit à la barbarie".
Faisons maintenant une grande enjambée dans le temps : nous voici à Berlin en 1941. Le drapeau nazi flotte et a remplacé celui de l'éphémère république de Weimar.
Un auteur dramatique, Hanns Johst évoluant dans le cercle intime du Führer et des SS, produit une pièce de théâtre portant le nom d'un officier martyr. L'histoire a retenu cette pièce pour une réplique passée à la postérité :
«Quand j'entends le mot culture, j'enlève le cran de sûreté de mon browning !»
Nous voilà arrivés là à un point crucial, un point qui n'est pas un simple point de friction entre culture et barbarie, car contrairement aux apparences la culture n'a plus pour cible la barbarie.
La culture à laquelle nous nous proposions de faire appel pour échapper à la barbarie, à laquelle il est censé lui demander de tracer les frontières du territoire de l'homme qui ne veut pas verser dans la barbarie, cette culture nous y plonge d'une manière la plus perverse qui soit, non pas en occultant la barbarie, mais en l'intégrant à elle-même, en nous faisant des barbares malgré nous, par l'éducation qu'elle nous dispense pour nous instruire.
Vient en écho, en contrepoint, cette alerte d'Emmanuel Levinas: "L’être emprisonné, ignorant sa prison est chez soi"!
On aurait pu penser au début de notre réflexion, que dresser l'inventaire de tous les merveilleux esprits, dans toutes les disciplines, qui ont élevé la pensée et la sensibilité humaines à un si haut degré de culture, permettrait de trouver où s'est située la faille.
Illusion : la culture n'est pas un antidote à la barbarie. Eichmann était un amateur éclairé de Bach. Heidegger, alors recteur de l'université de Fribourg, avait pris sa carte du parti nazi et en avait même revêtu l'habit. C'est sous son mandant que HUSSERL est radié du corps professoral en raison de sa judaïté. Culture barbare n'est plus alors un oxymore !
Toute culture peut se prévaloir d'une supériorité selon un critère qui lui est propre, mais comme aucun de ces critères n'est plus pertinent qu'un autre, aucune culture ne peut se considérer comme supérieure aux autres.
Ce que nous avons appris sur la barbarie peut nous suffire. Se pose alors la question ultime : comment, non pas échapper à la barbarie, mais comment aller vers son éradication, comment éviter qu'elle naisse ?
On reste un peu interdit. De quelque coté vers lequel on se tourne, une objection surgit aussitôt :
la culture ? : ce sont les hommes qui l'écrivent,
la religion ? : elle a trop besoin des hommes pour survivre,
le droit : se sont les hommes qui légifèrent,
la société ? : pour qu'elle me dise avec qui coucher et qui j'ai le droit de tuer ? Emmanuel Levinas dit à ce propos : "l'impossibilité de tuer n'est pas réelle, elle est morale".
alors ne rien faire : le non-agir est encore un agir, et cet immobilisme les cautionne tous,
ou bien espérer dans l'avenir : je cite encore Levinas : "On ne peut travailler efficacement pour l'avenir, que si on veut le réaliser immédiatement". Alors que d'occasions manquées, ou alors que d'échecs, que de régressions !
ou encore le retour à la mythologie : je cite à nouveau Levinas : "le mythe fut-il sublime, introduit dans l'âme cet élément trouble, cet élément impur de magie et de sorcellerie et cette ivresse du sacré et de la guerre qui plongent l'animal dans le civilisé".
Il y aurait donc des choses que l'histoire ne peut pas transmettre !
Ce serait alors à la littérature, au théâtre par sa catharsis (ce lieu où on regarde), à la peinture (par la totale la liberté dont elle jouit), à la musique (Dans le film "Le Pianiste" de Roman Polanski, l'officier SS est "démobilisé" par la Ballade en sol mineur de Chopin que joue le pianiste), et tous les autres arts, bref, c'est à eux tous de transmettre, de constituer une culture qui crée du lien.
C'est aussi au droit, mais dans l'unique mesure où c'est sur le mode de la plainte que nous pénétrons dans le monde de l'injuste et du juste.
L'expérience de la reconnaissance juridique donne accès au respect de soi et par la-même à celui des autres. Ce n'est pas un hasard si au sortir de la 2ème guerre mondiale, les hommes ont éprouvé la nécessité de rédiger une déclaration universelle des droits de l'homme.
Notre sens de l'injustice est plus perspicace plus aigu que celui de la justice : c'est l'injustice qui doit nous révolter.
C’est pourquoi, chez les philosophes, c’est l’injustice qui la première met en mouvement la pensée.
Et cette pensée s'étaye sur une injonction dernière, irréductible :
"Ce que tu ne voudrais pas que l'on te fît, ne l'inflige pas à autrui. Le reste n'est que commentaire. Maintenant, va et étudie". (Hillel à ses élèves -40)
Alors, pour s'en sortir, ou mieux encore, pour ne pas y entrer, ne pas donner naissance à la barbarie, on a alors un indispensable besoin de l'Autre. "Je suis responsable du visage de l'Autre", dit Levinas.
Il y a là comme une circularité : ce serait donc ce regard croisé et responsable qui est porté sur l'Autre qui interdirait la barbarie, qui y verserait dès qu'on s'en éloigne.
On serait donc retourné à notre point de départ : vers l'Autre, vers un visage auquel on parle et qu'on écoute. "Les mots qui me sont adressés m’invitent à un rendez-vous où je ne rencontrerai que moi-même mais dont je sortirai toujours quelque peu transformé par les intentions d’un autre" (Alain Bentolila).
C'est là, entre les hommes, que se trouve la clef, mais aussi, toutes les autres !


 Contribution de Martine Kervella au café philo du 25 novembre 2011 
 
Nous prononçons aujourd'hui le mot culture du domaine politique au domaine culinaire. L'Art universel contient aussi bien les grandes symphonies que les arts traditionnels de tous les pays classés au patrimoine mondial de l'Unesco. Se veut créateur de culture celui ou celle qui s'adonne au vouloir de création qu'il soit intellectuel, artistique, technique ou artisanal. Se veut cultivé celui et celle face à la création qui désirent s'éveiller à cet ensemble d'évènements anciens ou nouveaux de l'archéologie à l'internet. On pourrait peut être penser que l'humain tente de se constituer sa propre culture dans la sphère privée. Mais c'est dans le  monde du travail qui façonne l'être que le principe d'efficacité et  l'incroyable développement de la technique met cet être face à une  incessante création et aussi face à des contraintes parfois insupportables. L’homme proie de son imagination a dû sans cesse la confronter au réel pour sa survie son bien-être et même ses croyances religieuses. D'où le développement de la technique et des mathématiques présentes déjà au cœur de toutes les civilisations dans l'habitat et les tombeaux, voire aussi dans la sculpture et la musique. La barbarie est toujours née du besoin des peuples érigés en empire d'agrandir leur espace vital et aujourd’hui d'acquérir des matières premières. Cela peut donner les grandes civilisations antiques pratiquant l'esclavage et la cruauté (le cirque romain) ainsi que la sculpture et aussi le mal absolu du 3ème Reich, grand pilleur de tableaux. L’internet permet la communication universelle et aussi les attentats de New York. Nous sommes aussi prévenus que la barbarie peut naître de la ruine morale et matérielle d'un peuple devenu fou. Alors quand la nécessité absolue l'exige les êtres sont en droit légitime de défendre les plus hauts acquis de la civilisation en faisant la guerre. Car peut-on être tolérant face à l'intolérable ? L'ultime motivation est l'appui sur la culture qui permet la prise de conscience et l'acte engagé. Accepter les aspects les plus remarquables d'autres civilisations c'est parfois se forger une identité plus forte en même temps que perdre quelques éléments de ses propres certitudes. L’absence des droits de l'homme en Chine n'empêche pas 4 millions de pianistes chinois de jouer la musique occidentale. On peut apprécier une culture mais pas son régime politique. Sept royaumes, aux dires de Jean-François Susbielle, devront cohabiter dans le futur! Dès lors il semblerait que la connaissance des autres civilisations dans l'ordre géopolitique mondial sera liée au développement de la science récente qu'est  l'anthropologie. Certains peuples persistent malgré la modernité à conserver leur identité (Maori de Nouvelle-Zélande). Car c'est bien grâce à cette diversité culturelle que 9 milliards d'individus ne  seront jamais identiques mais prenons garde à l'avertissement de Nietzsche  "derrière chaque mot, un préjugé" car l'homme campe malgré sa curiosité mais à cause de son irrationnel sur des certitudes qu'il veut rassurantes.

lundi 21 novembre 2011

Atelier d'art-nature sur le Chemin du destin



Une demi-douzaine d'amis philosophes ont retroussé les manches ce dimanche matin ensoleillé afin de procéder à une opération d'entretien du "Chemin du destin" sur notre Chemin du philosophe. Ce Chemin du destin, initié en 2007, est constitué des branchages secs du sous-bois rassemblés en un serpentin de section d'un mètre carré environ sur une longueur de quelque 200 mètres. Il représente une métaphore du destin de chacun construit à partir  d'une alchimie faite de déterminisme, de contraintes, de hasards et de libre-arbitre.
" Chacun, parce qu'il pense, est seul responsable de la sagesse ou de la folie de sa vie, c'est-à-dire de sa destinée." Platon (428-427 av. J.-C., mort en 348-347 av. J.-C.).